Introduction
La
mesure de la variabilité cardiaque est relativement récente (début 1990). La
variabilité est le reflet des variations des durées d’intervalles qui séparent
deux battements consécutifs. Elles peuvent être mesurées par ECG ou des
appareils tels le Polar S810i ou le Suunto T6. Ces deux outils mesurent la
durée des intervalles R-R.
Figure 1 - Onde électrique des
battements cardiaques
Véritable outil de la performance ou gadget ?
L’analyse
de cette mesure permet la possibilité de prédire la performance et d’optimiser
l’entraînement. Par contre la mise en œuvre est relativement complexe mais
pertinente. De plus, c’est un outil non invasif pour le suivi de l’entraînement
et le dépistage du surentraînement des sportifs. C’est donc un indice pertinent
de la fraîcheur du sportif. Enfin, les mesures des adaptations neurovégétatives
de l’organisme consécutives aux charges d’entraînement permettent l’adaptation
de l’individualisation de l’entraînement.
Déterminants de la FC
La
fréquence cardiaque est contrôlée par le nœud sinusal et dépend la de la
modulation de la fréquence cardiaque intrinsèque par le système nerveux végétatif
(SNV). La fréquence cardiaque intrinsèque en l’absence de de l’action du SNV
est de 100 bpm. Le SNV a deux composantes antagonistes : les systèmes
sympathiques et parasympathiques.
-
Le système parasympathique est cardio-freinateur et innerve le nœud
sinusal et le nœud auriculo-ventriculaire
-
Le système sympathique est cardioaccélérateur et innerve tous les
cardiomyocytes.
La
variabilité de la fréquence cardiaque (VFC) traduit les variations spontanées
du rythme cardiaque qu’il faut mettre en rapport avec :
-
le système nerveux autonome et les systèmes sympathiques et
parasympathiques qui l’influencent.
-
La respiration
La
VFC est alors caractérisée par différents indices.
Protocoles d’enregistrement
La
lecture des études scientifiques mettent en évidence que les conditions
d’enregistrement sont déterminantes. Aussi, elles sont difficiles lors de
l’effort car elles subissent les influences de la ventilation au-dessus du SV2.
Pour
réaliser des mesures fidèles et reproductibles une seule routine
s’impose : position corps allongé horizontalement sur le dos dans un
environnement et des conditions standardisées. L’enregistrement se poursuit
vingt minutes et les cinq dernières minutes sont retenues pour l’analyse. Au
réveil, au lit semble donc être le lieu et moment qui réunit ces conditions les
plus reproductibles sans autre influence de la journée et du repos. Mais la
ventilation peut toutefois perturber l’enregistrement par le phénomène
d’arythmie respiratoire. Dans certaines études les sportifs respiraient en
rythme synchronisé avec un métronome.
A
noter que le tilt-test (utilisé par le logiciel Polar notamment) a été totalement
abandonné.
Les indices
Après
exérèse des artéfacts via le logiciel Polar, les analyses s’effectuent avec
Kubios HRV.
Figure 2 - Prétraitement de
l'enregistrement
Statistiques
-
SDNN (msec) : écart-type de la série d’intervalles R-R considérée
qui rend compte de la variabilité
globale.
-
RMSSD (msec) : écart-type des différences entre deux battements
consécutifs et rend compte de la composante
rapide de la VFC donc du tonus vagal.
Tonus vagal :
stimulation du nerf vague entraînant le ralentissement des battements du cœur.
Qualitatives
Analyses
spectrales
Il
s’agit d’une analyse du signal R-R par transformée de Fourier rapide pour le
classer en trois bandes selon la densité spectrale en fonction de la fréquence
des oscillations.
Les hautes fréquences
(HF : 0,1 – 0,4 Hz) : quantifient l’activité parasympathique.
Les basses fréquences
(LF : 0,04 – 0,15 Hz) : reflète l’activité
sympathique avec une composante
vagale.
Aussi
le rapport HF/(LF+HF) fait référence au concept de « balance sympathovagale » en exprimant la part parasympathique de celle-ci (M. Buchheit - www.martin-buchheit.net).
Figure 3 - Analyse spectrale
Analyse
de la VFC avec méthode Poincaré
Cette
analyse compare chaque intervalle R-R avec le précédent. Elle est représentée
par un nuage de points : un diagramme de
dispersion qui permet de calculer l’indice SD1 (activité
parasympathique) et l’indice SD2 (variabilité à plus long terme). Le rapport SD1/SD2 :
activité sympathique.
Une
analyse visuelle est déjà fructueuse.
Figure 4 - Analyse Poincaré
(dispersion)
Utilisation chez le sportif
La
mesure bien que très dépendante du protocole est réalisable en routine. La VFC
peut varier du simple au double en 24h et dépend donc fortement de l’activité
physique du jour qui précède sa mesure. Lors d’une grosse charge d’entraînement
la variabilité de fréquence cardiaque diminue. De même un phénomène de
surcompensation existe avec une augmentation des HF et de la variabilité
globale (délai de 24-48 h). Les études montrent aussi que plus le VO2max
est élevé plus le temps de récupération est rapide.
Ainsi
une étude de la VFC dans le temps permet de mettre en exergue la diversité des
cinétiques de récupération entre les sportifs.
Aussi,
il est notable qu’un effet de dominance parasympathique sur la performance
permet la prédiction de performance. En cas de surcharge, les valeurs de VFC
s’éloignent des moyennes avec une baisse importante des valeurs
parasympathiques.
Mais
attention : si des augmentations des indices avec une charge
d’entraînement réduite (4 – 8 h /sem) sont observables, il apparait qu’avec des
charges plus considérables (> 18 h /sem) une baisse des indices intervient.
Toutefois, cette baisse n’induit pas de saturation, il faut donc faire preuve
de circonspection dans l’interprétation des résultats.
Enfin,
les mesures et analyses lors d’un test triangulaire permet la détection des
seuils ventilatoires. En effet, l’évolution les HF dans le temps se rapportent
au niveau fréquentiel avec les deux seuils ventilatoires.
En
définitive la VFC permet une prédiction efficiente de la performance aérobie.
Exemples pratiques
Des
études scientifiques montrent une baisse de VFC après trois semaines de charge
intense, avec une diminution de l’activité parasympathique. Durant la semaine
de récupération on observe une augmentation rapide de VFC avec augmentation de
l’activité parasympathique et diminution de l’activité sympathique. Mais les
mesures doivent absolument être standardisées.
Ainsi
en cyclisme, où la quantification de la charge de travail (TSS) est facilement
réalisable avec un capteur de puissance, la mise en relation avec la VFC peut
être pertinente.
J’ai
ainsi commencé mes mesures méthodiques depuis dix jours. Malgré une baisse de
mon activité cycliste j’ai tenté de mettre en relation les analyses de VFC et
les charges de travail exprimées en TSS d’après le logiciel WKO+.
Figure 5 - Charges de travail et
indices de VFC
Premières constatations
Il
faut mettre en relation les charges de travail (TSS) avec les résultats de VFC
des jours qui suivent. Déjà après un premier regard, il est aisé de remarquer
que les indices traduisent de manière faible les charges supportées. D’autre
part, le phénomène de surcompensation, décrit si fréquemment dans les ouvrages
de physiologie, est formellement discernable (charges importante les 18/10 et
20/10) avec une surcompensation les jours suivants (48h). Ainsi, selon la
charge infligée, il est possible de temporaliser l’inertie de la récupération.
Les TSS ne reflètent pas les zones d’intensité sollicitées, mais il semblerait
que plus l’entraînement vise des zones élevées (PMA ou davantage) plus la
surcompensation est importante (à confirmer par la multiplication des mesures
dans les mois à venir). Ainsi, connaître réellement les temps de récupération
et suivre longitudinalement sa VFC permet au cycliste d’optimiser l’agencement
des charges de travail pour arriver le jour J en forme suprême. C’est donc un
moyen supplémentaire de suivre son entraînement aérobie et anticiper les états
de fatigue sans le biais de la subjectivité des sensations. Je vais m’attacher
à poursuivre mes enregistrement durant toute l’année afin d’établir les
relations qui peuvent surgir entre tous les cycles de travail et l’évolution
des capacités physiques.